Variabilité et histoire à long terme du climat

Jean-Claude Duplessy, Directeur de recherche émérite au CNRS et membre de l’Académie des sciences
Reproduction d’un article paru en 1991 dans le numéro spécial 23-24 de la Revue du M.U.R.S. « L’Environnement atmosphérique à la merci de l’Homme »

Un changement climatique est pour un scientifique un phénomène passionnant, rendu plus passionnant encore par l’imminence du changement climatique qui semble se préparer.

Un regard en arrière permet de s’en convaincre. Un tableau de Bruegel peint peu après l’hiver extrêmement rigoureux de 1564 est le premier témoignage connu d’un changement climatique susceptible de perturber profondément le mode de vie de ses contemporains.

Paysage d’hiver avec patineurs et trappe aux oiseaux, Pieter Bruegel, 1565

Cet hiver rigoureux a marqué le début d’une succession de périodes glo­balement froides si durement perçues à l’époque qu’on a par la suite parlé à leur propos de «petit âge glaciaire». Celui-ci a duré près de trois siècles et les Alpes en ont conservé des traces bien identifiées. Peintures et dessins d’époque confrontés aux vues d’aujourd’hui montrent par exemple le spectaculaire recul du glacier qui donne naissance au Rhône. Un siècle de réchauffement, conséquence d’un changement climatique, en somme modeste, a suffi pour entraîner la disparition de nombreux petits glaciers des Alpes.

Les changements climatiques passés, objets de l’analyse qui va suivre sont de beaucoup plus grande ampleur…

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La Santé de la Terre, un défi aux universités

André Berger, Professeur émérite à l’université catholique de Louvain la Neuve (Belgique) et membre de l’Académie des sciences
Reproduction d’un article paru en 1991 dans le numéro spécial 23-24 de la Revue du M.U.R.S. « L’Environnement atmosphérique à la merci de l’Homme »

Le problème des interactions de l’homme avec la géosphère et la biosphère interpelle les Universités en cette fin de 20ème siècle, sur deux points au moins : la remise en question des programmes d’enseignement et de l’organisation de la recherche, remise en question qui concerne principalement la collaboration entre disciplines et la formation à long terme des chercheurs.

La pluridisciplinarité de la recherche pour la santé de la planète est une nécessité urgente. La structure du système climatique et les problèmes multiples que soulève la compréhension des mécanismes qui régissent son comportement, requièrent une collaboration étroite entre physiciens, chimistes et biologistes pour écrire les équations qui gouvernent la dynamique de l’environnement global, et du climat en particulier ; mathématiciens, informaticiens et ingénieurs pour résoudre ces équations; géologues, palynologues, géochimistes, océanographes, géophysiciens et climatologistes pour acquérir les mesures indispensables à la compréhension des mécanismes qui régissent l’évolution du système, mesures qui concernent aussi bien l’état actuel que celui du passé ; économistes, sociologues, écologistes et médecins pour étudier l’impact de cette évolution sur la Société. Ce problème est malheureusement peu perçu au sein de nos universités où une structure classique reste définie par les politiques – conservatrices et individualistes la plupart du temps – des facultés, départements et autres unités.

D’autre part, la formation à long terme assurerait une préparation efficace aux chercheurs appelés à résoudre les problèmes que nous commençons seulement à entrevoir, mais dont nous avons la certitude qu’ils s’amplifieront au cours du temps, du fait de l’inertie du système et du temps caractéristique des phénomènes mis en jeu. Cette formation à long terme devrait être un des objectifs majeurs de nos universités, car il représente le meilleur investissement que l’on puisse faire pour l’avenir des jeunes et le développement de la Société. Nous devrions être soucieux de mettre en place une médecine préventive de la géosphère avant que ne s’impose la médecine curative, traditionnellement usitée pour la santé de l’homme…

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