Laurent Degos, Professeur émérite d’hématologie à l’Université de Paris
& François Ravetta, Professeur de physique de l’atmosphère à Sorbonne Université, directeur du LATMOS
André Berger prononça il y a maintenant trente ans une conférence publiée en 1991 dans les cahiers du MURS sous le titre : « La santé de la Terre, un défi aux universités ». Après avoir dressé un état des lieux, il considérait les mesures à mettre en œuvre pour éviter la dégradation de la santé de la planète. Il questionnait la responsabilité des hommes dans le changement climatique et concluait sur le rôle central que devraient jouer l’enseignement de l’éthique et l’université pour faire face à ce défi majeur.
La question de la réalité du changement climatique était alors fortement débattue. André Berger détaillait donc les points sur lesquels existaient un consensus scientifique et discutait les preuves de ce changement. Tout en insistant sur la nécessaire « prudence des scientifiques » dès lors qu’il s’agit de prévoir, il prit toutefois le risque d’anticiper « un réchauffement inévitable non-uniforme ». Spécialiste du domaine, André Berger a vu juste. Mettant en avant l’inertie du système climatique, il anticipe la question très actuelle de la vitesse du changement climatique en cours, par là-même celle de notre capacité à nous adapter à un nouvel environnement.
1- La recherche a tranché
De nos jours, la réalité du changement climatique ne fait plus débat au sein de la communauté scientifique. Les rapports du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) se succédant, les preuves se sont accumulées. Les incertitudes sur les observations se sont réduites. S’il n’est pas possible de relier directement un événement isolé au changement global, nul ne conteste sérieusement les tendances observées. De ce point de vue, la preuve scientifique d’un réchauffement est solide. A cela, rien de mystérieux. Le temps faisant son œuvre, le signal climatique est sorti du bruit météorologique.
La question plus épineuse de l’origine anthropique du changement climatique a également fortement évolué. A tel point que la charge de la preuve est aujourd’hui renversée. Il est toujours légitime d’interroger cette relation de causalité, l’esprit critique étant au cœur de la démarche scientifique. Il convient, cependant, dans le même temps, de proposer une explication rationnelle aux changements observés. Trois décennies de recherche, et de controverse, n’ont pas fait émerger une théorie alternative crédible. Dès lors la sagesse commande d’attribuer à l’homme le changement climatique à l’œuvre pour fonder nos actions.
2- Retard à l’action
Au-delà d’une analyse scientifique robuste, le texte d’André Berger explorait des pistes d’actions pour limiter le réchauffement de la planète. Celles-ci sont encore d’actualité, qu’il s’agisse de conforter « l’observation et la recherche », de « limiter les émissions de CO2 » en développant une « industrie verte », ou de faire évoluer la gouvernance au travers d’une « politique à environnement intégré » et d’un « protocole international pour la protection du climat ».
En termes de réalisations, le bilan des trois décennies passées est mitigé. La recherche en climatologie a conforté et produit de nombreux résultats : les observations sont solides, les modèles climatiques, en s’appuyant fortement sur des approches pluridisciplinaires, ont démontré leur capacité à reproduire les climats passés, donc à anticiper les climats futurs. De ce point de vue, le travail du GIEC, qui rend accessibles aux décideurs et au plus grand nombre les connaissances les plus robustes en matière de changement climatique, est une réussite. Ce n’est pas le cas pour le contrôle des émissions de gaz carbonique, aucune inflexion n’ayant été observée, sauf au moment de l’effondrement du bloc soviétique. La révolution verte tarde à se concrétiser, et les négociations climatiques, qui rythment l’agenda international, produisent des textes estimables, mais peu contraignants pour être efficaces.
Soulevant à de nombreuses reprises la question de la responsabilité des scientifiques, au cœur des préoccupations du MURS, mais aussi des décideurs ou des Etats, André Berger concluait son article par des propositions d’actions allant bien au-delà de la gestion du changement climatique en cours, cette « grande expérience géophysique involontaire jamais déclenchée par l’Homme ». Il posait en effet la question des conséquences de « l’explosion démographique du Tiers-Monde », proposait l’adoption d’une « charte des devoirs des hommes » et la création d’un « cours d’éthique de l ‘environnement », et promouvait le « rôle central de l’Université » comme institution devant se saisir de la question des enjeux climatiques.
Toutes ces pistes mériteraient d’être explorées.
3- Qui est le malade ?
Nous faisons ici le choix ici de ne reconsidérer que l’angle retenu par André Berger pour traiter du changement climatique, son approche en termes de « santé de la Terre », qui nous paraît originale et féconde. Comparant la Terre à un malade, André Berger affirmait : « Prévenir ou guérir demeure donc bien la question fondamentale ». Cela le conduisait à faire la promotion de la « pluridisciplinarité de la recherche pour la santé de la planète », à insister sur la nécessaire « collaboration des biologistes », à attirer notre attention sur le besoin de voir émerger une « médecine préventive de la géosphère avant que ne s’impose la médecine curative ».
Mais s’agit-il bien de soigner la Terre ? Le danger qui nous guette est-il le résultat d’une planète malade, ou celui du comportement pathologique des hommes qui l’habitent ? Est-ce la planète ou l’humanité qui est malade ? La pathologie ne vient-elle pas de l’insatiabilité des hommes, oublieux des limites, qui dévorent des ressources non renouvelables et accumulent les déchets ?
Il est difficile d’agir sur la planète comme il est difficile, voire impossible, de maîtriser la Nature. Mais on peut changer le comportement des hommes, comme nous le faisons pour qu’une bactérie ne nous détruise pas. En respectant des règles d’hygiène, grâce à une meilleure alimentation, en facilitant l’accès à l’eau potable, en vaccinant, on a su en un siècle passer de 25% à 0.2% de mortalité infantile dans les pays développés. On ne changera pas facilement les grands équilibres climatiques de la planète, mais on peut modifier notre comportement afin de prévenir, d’atténuer ou de ralentir des déséquilibres climatiques capables de détruire des populations humaines.
Plusieurs questions soulevées en climatologie par André Berger sont également pertinentes dans le domaine médical, qu’il s’agisse du niveau de confiance requis pour décider, du questionnement sur la responsabilité, ou de la vitesse de développement de la maladie.
4- Du normal au pathologique : agir avant qu’il ne soit trop tard
« En climatologie la confiance en une observation ou en une prédiction dépend du pouvoir de détecter le signal au milieu du bruit de la variabilité naturelle ». Le problème est similaire en médecine. Comment reconnaître un signe anormal dévoilant une maladie au milieu des comportements variables dans la population et des petits maux sans gravité : fièvre passagère virale ou septicémie ? Douleur de l’épaule anodine ou début d’infarctus du myocarde ? Défaut de mémoire sans suite ou maladie d’Alzheimer ? C’est le contexte, l’ampleur, la durée, et la nouveauté par rapport à l’existant qui orientent le médecin et lui font prendre la décision d’explorer et de traiter.
André Berger souligne à juste titre la nécessaire prudence des scientifiques, conscients des limites de leurs connaissances. Cela doit-il pour autant entraver toute action, toute prise de décision ?
Comme la multiplication cellulaire, qui est inhérente à la vie, le CO2, le méthane, le SO2, l’ozone font partie de la vie planétaire. Mais une multiplication rapide provoque une tumeur d’abord bénigne, et à un stade ultérieur un cancer pour lequel parfois plus rien n’est possible. La vitesse de la transformation est dangereuse alors que le phénomène est naturel.
Se pose ainsi la question d’une vitesse d’évolution anormale. La transition entre le normal et le pathologique est parfois difficile à déceler. Une toux qui persiste alerte le médecin. Un simple mal de tête peut trahir le début d’une tumeur du cerveau. Le médecin se doit d’être vigilant. Il s’aide d’investigations biologiques et d’analyses par imagerie pour prendre des décisions, pour ne pas laisser le mal s’envenimer. Quand bien même le diagnostic est incertain, le médecin ne se confine pas dans une attitude attentiste, ou de précaution, il agit. Mais il ne décide pas seul.
5- Médecin et patient, scientifique et citoyen : tous responsables
Dans un parcours de patient, tous les intervenants ont un rôle de décision et de responsabilité. Le patient lui-même est acteur de sa santé, lorsqu’il abuse du tabac, de l’alcool, du sucre, du sel, des graisses, ou lorsqu’il prend des risques sur la route. La multiplicité des acteurs et la question de leurs responsabilités respectives se posent tout autant dans le domaine du changement climatique que dans celui de la santé humaine.
La proposition d’un enseignement d’éthique de l’environnement entre également en résonance avec les actions conduites en médecine et promues par des institutions comme le Comité Consultatif National d’Éthique pour les sciences de la vie et de la santé, le comité d’éthique des grands instituts de sciences de la vie, les comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale. L’homme face à la planète devrait avoir la même attitude que le médecin : « primum non nocere » devrait être la règle. Il existe un code de conduite, une déontologie très réglementée pour les professionnels de santé, basée sur un serment, inspiré d’Hippocrate. Sa transposition à tous les scientifiques, à ceux du climat en particulier, soulignerait la dimension éthique de toute activité scientifique, accroissant ainsi la confiance de la population dans leur discours. Au-delà des seuls scientifiques, l’adoption d’« une charte des devoirs des hommes », pensée comme un code de bonne conduite de chacun et de l’humanité dans son ensemble vis-à-vis de la planète et des êtres vivants qu’elle abrite constituerait un progrès dans notre prise de conscience de notre responsabilité dans le changement climatique à l’œuvre.
L’analogie entre santé humaine et santé de la Terre proposée par André Berger est donc féconde Mais le contexte a évolué depuis trente ans, renouvelant les questions, ou leur formulation. L’irruption des outils numériques a transformé la médecine. La collecte des données a affiné les prévisions. Avec l’appui de l’intelligence artificielle, les analyses plurifactorielles se sont renforcées, la complexité de la maladie, entendue comme un état anormal, est mieux prise en compte. La médecine, comme les sciences du climat, est une science de la complexité : chaque composant du système agit sur les autres pour aggraver (ou camoufler) une maladie. Les interconnexions sont multiples. Elles modulent la prédiction que ce soit par des facteurs innés (gènes de susceptibilité) ou acquis avec le rôle des comorbidités, de l’environnement et des comportements.
6- Mieux vaut prévenir que guérir
La climatologie comme la médecine sont des disciplines qui prédisent l’avenir (de la planète ou du malade). Toutes deux ont vu leur pouvoir de prédiction s’affiner.
Prédire est un pouvoir. Les scientifiques doivent être les garants de son bon usage. La prédiction est fascinante. Il peut être tentant de céder aux oracles, d’honorer de nouvelles pythies. La prédiction est effrayante. Qui ne serait saisi d’effroi devant l’annonce du diagnostic prédictif d’une démence précoce d’Huntington ? La tentation est alors grande de refuser de savoir. Bien comprise, la prédiction, qu’il s’agisse de diagnostic anténatal, de susceptibilité génétique, de risque d’épidémie, est toutefois utile. Lorsque la maladie est déclarée, la prédiction devient pronostic, parfois vital. Loin d’être tout puissant, le médecin est alors présent pour aider le malade à ouvrir les yeux, pour l’accompagner dans le choix du traitement qui lui permettra d’améliorer sa condition. De la même façon, les simulations climatiques ne prédisent pas un avenir impitoyable. Elles explorent les possibles. Elles nous éclairent et nous aident à penser les conséquences de nos actions sur l’avenir de la planète, notre maison commune.
Face au changement climatique, une médecine curative est envisageable. Ce pourrait être le rôle de la géo-ingénierie, à condition de l’utiliser en ultime recours, en vue de répondre à une menace imminente et insupportable pour l’humanité. De ce point de vue, il s’agirait de gérer une situation de crise, comme savent le faire les médecins urgentistes. Le terme de géo-ingénierie est d’ailleurs riche de malentendus. Il fait la part trop belle à une approche technique, à une médecine curative dédouanant l’humanité de toute responsabilité. Mieux vaudrait parler d’intervention climatique d’urgence, et garder à l’esprit le risque d’installer une nouvelle dépendance, cette fois au traitement administré.
Comme le rappelait André Berger, la meilleure approche reste celle de la prévention. Mais il convient de bien identifier le malade à soigner, à savoir l’humanité. L’humanité est malade de son rapport à la planète. Nous souffrons des maux que nous lui infligeons. Et pourtant nous persistons dans nos erreurs, comme si nous étions détachés de notre environnement. La maison brûle et nous détournons le regard, en oubliant que nous n’avons pas d’autre maison. D’un point de vue médical, notre comportement est proche de celui d’un toxicomane, incapable de renoncer à sa consommation, mais conscient des maux qu’il s’inflige à long terme ainsi que des conséquences néfastes de ses actes pour l’ensemble de la communauté.
Notre insatiabilité ressemble en effet à une addiction, un désir qu’on ne peut contenir. Tout ce qui est possible serait permis. La richesse de la Terre serait là pour nous servir. Substituant les moyens aux fins, l’augmentation de la productivité, la croissance de la production de richesses seraient des buts en soi, avec pour argument de faire disparaître la pauvreté et les inégalités. On confond quantité et résultat. Le but est d’accroître le volume des produits et non de mieux les répartir et de s’en servir à bon escient. En médecine le même dévoiement s’est produit avec une tarification au volume d’activité des professionnels et non au résultat pour le malade. Ceci a provoqué une inflation d’activité (parfois sans pertinence), une restriction des moyens (pour plus de « performance »), un épuisement des professionnels et des résultats dégradés du point de vue de la qualité, notamment en termes de relations humaines.
7- Soin individuel et santé publique
En santé, le soin individuel, et la santé publique (prévention collective, économie, pollution, hygiène, urbanisme…), cheminent de concert. Des progrès ont été réalisés dans la responsabilité collective, mais les résultats sont encore perfectibles, par exemple en matière de taux de vaccination face à un danger d’épidémie (H1N1, Covid) ou de suivi des campagnes contre le tabac. C’est qu’il existe une tension entre la préservation de la liberté individuelle d’une part, et les mesures collectives coercitives d’autre part. La limite de la consommation de tabac dans l’espace public ou de la vitesse sur la route en sont deux illustrations. Des forces économiques (pour le tabac) et des désirs personnels (« égoïstes ») contrecarrent l’évidence scientifique et mettent en danger la population. Cependant il ne faut pas désespérer ou baisser les bras : la consommation de tabac et le cancer du poumon chez les hommes diminuent, les accidents de route sont moins fréquents qu’il y a trente ans. Cela prend du temps. Cela nécessite une réelle volonté d’agir de la part des décideurs.
Changer de comportement est en effet un problème redoutable. Prendre des mesures techniques en santé, comme l’approvisionnement en eau potable, est relativement facile à mettre en œuvre si les décideurs sont éclairés et si les moyens sont présents. Dans le domaine des sciences de l’atmosphère, ce fut le cas pour lutter contre la destruction de la couche d’ozone stratosphérique. Des produits de substitution permirent d’assurer les services assurés auparavant par les produits nocifs pour la couche d’ozone, sans impact notable pour les consommateurs. En matière de changement climatique, des changements de comportement sont nécessaires, ce qui est beaucoup plus difficile à obtenir. En santé, la discussion, le dialogue en face à face entre le médecin et le patient, la force de conviction de l’environnement familial (et socio-professionnel) et la pression financière (augmentation du prix) ont fait diminuer la consommation de tabac. La contrainte légale et le procès-verbal ont obligé les citoyens à porter une ceinture de sécurité en voiture. Mais il faut bien le dire : ce travail de changement de comportement doit s’inscrire dans la durée et n’est efficace que s’il est abordé en tenant compte de ses multiples implications.
8- Le pari de l’action éclairée
Qu’il s’agisse de santé publique ou de changement climatique, il convient donc de convaincre la société, et non pas seulement la communauté scientifique ou les décideurs politiques. De ce point de vue l’université a certainement un rôle majeur à jouer, au-delà de la formation de cadres scientifiques. Elle a vocation à être le lieu privilégié du débat rationnel, un lieu de rencontre entre les disciplines, un lieu ouvert à tous ceux qui souhaitent s’informer et débattre. Dans des sociétés démocratiques, l’enjeu majeur demeure d’accroître le niveau de connaissance des citoyens, de promouvoir les humanités scientifiques, la « scientific literacy » de la population. L’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE), qui fait la promotion d’indicateurs de santé, estime ainsi que la proportion de citoyens « lettrés en santé » est un déterminant central du degré de développement d’un pays en matière de santé publique.
Ceux qui croient que l’homme s’adaptera comme il l’a fait par le passé, depuis un million d’années, se trompent. D’une part le temps de l’homme est la génération, plus de trente ans aujourd’hui, un temps qui donne la mesure du temps d’adaptation d’une société. Or ce temps d’adaptation ne suit pas le temps d’évolution de notre environnement terrestre, qui se contracte. D’autre part et surtout, l’homme n’évolue plus sous la pression de la sélection naturelle. En effet celle-ci n’a que deux moyens d’action : la taille des familles et la mortalité avant l’âge de procréation. Nous entrons dans une ère où les familles ont deux enfants, avec une très faible variance. Et, fort heureusement, la mortalité précoce est désormais négligeable. Nos conditions de vie et notre niveau de santé sont tels que la nature n’a plus d’emprise forte sur l’espèce humaine. Notre avenir sur Terre dépend donc de notre attitude vis à vis de la planète.
La question de notre adaptation au changement climatique est posée. Celui-ci est inéluctable. Pour autant, l’avenir n’est pas écrit. L’exemple de l’épidémie du Covid 19 nous montre qu’une maîtrise du confinement retarde et amortit le « pic » de l’épidémie. Notre système de santé aurait sinon été débordé, nous obligeant alors à « trier » les malades, voire paralysé, nous empêchant de soigner les malades quand les soignants sont eux-mêmes malades. Lors de l’épidémie de la grande peste on n’enterrait plus les morts, la population était sidérée face à la catastrophe.
Mais si une épidémie a toujours une fin, il est illusoire d’attendre un retour « à la normale » du système climatique à l’échelle du temps de vie de nos sociétés. Nous savons que le coup est parti. Seules sont incertaines l’ampleur et la vitesse du changement en cours. Allons-nous le subir sans réagir ? C’est un choix possible, à condition qu’il soit éclairé, et d’en mesurer toutes les conséquences, vraisemblablement dramatiques. Allons-nous vivre détachés de l’évolution de la Terre, dans un environnement confiné et artificiel ? Nous préférons faire le pari de l’action éclairée, guidé par la conviction qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire et progresser en humanité.